Par Geneviève Dansereau
Avant d’assister au concours pour la Bourse Sennheiser, je ne savais pas trop à quoi pouvait ressembler une œuvre en création sonore. La simple terminologie « création sonore » suffisait à me plonger dans la perplexité. À quoi devais-je m’attendre ? Les possibilités me semblaient infinies. J’imaginais un concert unique où chaque participant allait apporter sa touche personnelle. Finalement, il s’agissait plutôt d’une série de petites prestations de neuf participants différents. Et le tout s’avéra une expérience sensorielle des plus singulières.
Interposition de Xavier TremblayDurée approximative : 3 min. La première œuvre n’était pas l’entrée en matière la plus facile qui soit. Il s’agissait d’un arrangement sonore assez simple : les sons stridents d’une harpe mal accordée que l’on s’évertue à faire vibrer par des grands gestes dramatiques, avec comme support visuel l’ombre d’une harpe miniature qui se reflétait en grandeur nature sur une toile placée en arrière-plan. Chaque bruit de corde tirée était accompagné du mouvement réel d’un homme – le créateur de l’œuvre – qui ne se lassait de répéter les mêmes gestes. Originale à sa façon, cette prestation ne me toucha guère, mais aiguisa ma curiosité pour la suite. |
Courtepointe d’Odrée LaperrièreDurée : 5 min. Extrait du programme :
La deuxième œuvre, beaucoup plus douce que la précédente, évoque une ambiance feutrée, où des paroles de femmes se mêlent à des sons de roues qui tournent, des souvenirs entremêlés, de la nostalgie, avec cette roue qui tourne et qui prend parfois toute la place ou encore qui résonne parfois dans le lointain. Une performance toute simple qui, l’espace d’un moment, nous fait plonger dans l’intimité de ces femmes aux mille souvenirs. |
Logorrhée de Vincent CussonDurée : 2 min. 30 sec. Cette pièce, qui se veut « une exploration de textures sonores », est beaucoup plus courte que les précédentes. On y retrouve un agencement de différentes sonorités : klaxons, gouttelettes qui tombent, d’autres sons mois faciles à définir, comme le bruit d’ondes qui voyagent dans l’air. Une atmosphère étrange qui me plonge dans une certaine mélancolie. |
Nawa (naissance/accueil en abénakis) de Jenny AbouavAvec la collaboration de Mélanie O’Bomsawin, chant berceuse abénakise Extrait du programme :
On explore ici le monde de la berceuse abénakise. Au début, on entend seulement les sons d’une télé qui grésille, puis les échos de plus en plus rapprochés d’une voix humaine, avec le son du vent derrière. Bientôt, plusieurs voix se superposent, quelque chose comme des chants venus d’un autre monde, un cri strident, l’éclat d’un rire dans le lointain. Une œuvre sur le mouvement des voix et des corps qui passent. J’aurais aimé entendre davantage le chant abénakis. |
Présence(s) de Marc-André CossetteDurée approximative : 5 min. Cette fois, l’œuvre est accompagnée d’un fond qui rappelle les fonds d’écrans d’ordinateur lorsqu’on les met en veille. Un amalgame de lignes blanches et de différentes formes sur un fond noir opaque. Il s’agit peut-être de la composition la plus musicale de la série. Une atmosphère très rythmée de ressorts et de tambours, quelque chose qui rappelle les ambiances de rave… Une musique électro avec des images psychédéliques en arrière-plan, et plus la pièce avance, plus on se sent aspirée par l’œuvre tout entière qui hypnotise nos sens, autant la vue que l’ouïe, dans un grand crescendo qui représente peut-être la grande métaphore de la vie et du rythme des choses qui accélèrent sans arrêt jusqu’à nous étourdir et nous éblouir… Bientôt nos sens se fondent dans la couleur blanche, éclatante de l’écran qui envahit tout l’espace, puis qui revient tranquillement vers un fond noir, de plus en plus noir… On a cette sensation que l’on se rapproche du Big Bang, de l’implosion originelle, pour revenir enfin aux derniers battements de la vie, et au néant ultime. Une œuvre grandiose qui nous laisse sur une vague impression de voyage intersidéral. |
Ce qui est là de Juana Maria Rubio FernandezDurée : 6 min. 13 sec. Extrait du programme :
Il s’agit ici d’une œuvre très minimaliste sur le temps qui passe. Divers arrangements sonores créent une ambiance feutrée qui me permet presque d’oublier la prestation précédente. |
Sans titre de François MathieuDurée : 6 min. 30 sec. Extrait du programme :
On entre ici dans un univers tout à fait différent des précédents. Une atmosphère sinistre, inquiétante, oppressante. Il y a une alternance lugubre entre des sons enfantins et des sons terrifiants qui rappellent vaguement les sons gutturaux du célèbre Gollum. On alterne ainsi entre des sons de torture atroces et une atmosphère clownesque. Si le but du créateur était de nous donner la chair de poule, l’objectif est réussi. |
Waachiyaa d’Isabelle BarzeeleDurée : 5 min. 38 sec. Ici, on entend des battements de cœur, une rivière qui coule, le tintement d’un verre, une atmosphère de jungle, le chant de quelques corbeaux, d’autres chants qui ressemblent à des chants africains, et même, pourquoi pas, le cri de Tarzan ! Les chants africains prennent alors de plus en plus de place et laissent l’auditeur empreint de cette atmosphère particulièrement vibrante et vivante. |
Finalement, ces œuvres, qui devaient être des créations individuelles, me ramènent à mes attentes de départ. Elles semblent étrangement répondre à un même besoin d’exprimer des émotions et des atmosphères évoquant le caractère changeant de l’univers, du temps qui passe et de la vie qui surgit ici et là.